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Obésité Stress Santé mentale

Alimentation émotionnelle : les clés pour reprendre le contrôle.

L’anxiété, les angoisses, la dépression ou un traumatisme conduisent parfois à l’alimentation émotionnelle. Comment lutter ? Quelles stratégies adopter pour modifier son comportement ? Le docteur canadien Michael Vallis donne des pistes.

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Notre corps et notre esprit sont connectés. On le sait, la nervosité peut provoquer des mains moites et une envie d’étancher sa soif. De la même manière, une mauvaise nouvelle peut occasionner de la transpiration, voire un mal-être physique. Ce qui se passe dans notre tête agit sur notre corps au point d’augmenter le risque de développer des problèmes de santé ou de prendre du poids1,2.

Pour tenter de calmer leurs émotions, certaines personnes se tournent vers la nourriture3. Elle a le pouvoir d’apaiser, de distraire et d’insensibiliser. Si cela peut fonctionner à court terme, au fil du temps, ce comportement risque de devenir une difficulté en soi. Les psychologues nomment ce comportement « l’alimentation émotionnelle ». Les facteurs sont multiples : le stress, la dépression, l’anxiété, un traumatisme, un changement dans la vie quotidienne ou un bouleversement familial ou professionnel peut provoquer une irrépressible envie de nourriture1.

C’est, par exemple, le cas de Vicki Mooney qui s’est tournée vers l’alimentation pour échapper à une situation familiale douloureuse. A 28 ans, elle pesait 180 kilos. « Pour faire face à ce traumatisme et à mes émotions, j’allais dans ma chambre et je mangeais une barre de chocolat. Cela me réconfortait un peu ».

Il n’est pas facile pour chacun d’associer son alimentation émotionnelle à une cause précise

Chaque histoire est personnelle et il n’est pas facile pour chacun d’associer son alimentation émotionnelle à une cause précise4. Pour Vicki, cela relève d’un traumatisme émotionnel sévère ; pour d’autres personnes, c’est le stress ou un événement déstabilisant qui est à l’origine de cette réaction faussement protectrice. Seule certitude : une fois l’habitude mise en place, elle peut envahir toute une vie. Et avoir des conséquences néfastes sur la santé, d’autant que ce réflexe apparemment apaisant peut se métamorphoser en cercle vicieux. Si manger pour calmer ses émotions apporte un soulagement temporaire, le fait de trop manger provoque un sentiment de honte, ce qui réinitie le cycle.
Ces expériences négatives affectent fréquemment les personnes en situation d’obésité5. Conséquence : elles se sentent rejetées par la société, ne reçoivent pas le soutien et la compréhension dont elles ont besoin.

« Apprendre à gérer les émotions et à mieux contrôler le comportement alimentaire »

Comment faire pour modifier son comportement ? Le point de départ consiste à rechercher la source de nos émotions négatives. Un psychologue peut aider à mettre ce parcours en place6. C’est ce que préconise le docteur Jocelyne Raison, fondatrice et présidente de Romdes, un réseau de santé spécialisé dans l'obésité adulte en Ile-de-France. « Nous répondons aux attentes des personnes qui souhaitent, par exemple, gérer leurs émotions ou apprendre à mieux contrôler leur comportement alimentaire. Dans le premier cas, nous allons orienter la personne vers un psychologue. Dans le second, nous orientons la personne vers une diététicienne, avec la possibilité d’une aide psychologique également. »

Le traitement comportemental constitue une autre approche. Elle consiste à changer notre façon de répondre à nos sentiments en modifiant notre façon de penser, de se nourrir ou de pratiquer des activités.7

Woman doing meditation

Cinq stratégies pour gérer son stress

Psychologue de la santé et professeur agrégé de médecine familiale à l’université Dalhousie, au Canada, le docteur Michael Vallis propose d’apprendre à gérer son stress pour mieux contrôler son rapport à la nourriture. « La gestion des émotions positives ou négatives passe généralement par une expression émotionnelle et un soutien social. Il faut trouver des façons d’exprimer ses émotions 8. Parler, écrire, chanter, danser peuvent aider à évacuer ses émotions. Essayer de les ignorer ou de les refouler peut aggraver les choses. ».9

Membre du réseau Obésité Canada, le docteur Vallis préconise cinq stratégies pour gérer le stress10 :

  1. Activités physiques douces : la respiration profonde, la relaxation musculaire et l’apaisement mental peuvent grandement contribuer à gérer le stress. Yoga, tai chi, médiation, écouter de la musique, faire de la peinture, caresser un chat ou un chien, s’occuper de plantes sont des occupations qui possèdent des vertus apaisantes.
  2. Activités de défoulement physique : marcher, courir, sauter, faire du vélo ou danser constituent de bonnes façons d’évacuer le stress.
  3. Expression émotionnelle : il est très sain de chercher des façons de ressentir, d’exprimer et d’accepter ses émotions.
  4. Soutien social : ne pas se couper du monde, être en relation avec les autres, se montrer bienveillant aider à diminuer le stress.
  5. Acceptation : être conscient de son état actuel dans une approche d’acceptation11 et de curiosité. La pleine conscience est augmentée lorsqu’on réfléchit aux valeurs fondamentales essentielles12.

Des règles précises pour mieux contrôler son alimentation

Pour le docteur Vallis, garder ses distances avec la nourriture, en particulier avec les aliments qui ne sont pas en rapport avec la faim, permet de mieux contrôler son alimentation. Il conseille de respecter un programme qui obéit à quelques règles précises :

  • Manger à des heures définies, ne pas manger à d’autres moments
  • Manger dans une seule pièce du logement
  • S’asseoir pour se nourrir, ne pas avoir d’autres activités durant le temps du repas
  • Après s’être servi une portion, enlever la nourriture qui reste et la ranger
  • Ranger les éléments en petits sachets afin de ne pas avoir accès à de grandes quantités de nourriture
  • S’organiser pour se débarrasser des sources de tentation.

Dans ses recommandations, le praticien canadien n’exclut pas que les stratégies de gestion de stress13 peuvent connaître des limites. « Si les symptômes sont plus graves comme les problèmes de sommeil, les douleurs inexpliquées, les oublis ou le manque de sociabilité, il est important de demander une aide professionnelle afin d’aider le patient à trouver des mécanismes d’adaptation sains »14, explique le docteur Michael Vallis.

Philippe Saint-Clair

Références
  1. Floriana S Luppino, Leonore M de Wit, Paul F Bouvy, Theo Stijnen, Pim Cuijpers, Brenda W J H Penninx, Frans G Zitman. Overweight, obesity, and depression: a systematic review and meta-analysis of longitudinal studies. 2010 Mar;67(3):220-9. doi: 10.1001/archgenpsychiatry.2010.2.
  2. http://obesitycanada.ca/wp-content/uploads/2018/08/Copy-of-stress-eating.pdf - 31.01.2025
  3. Selena T Nguyen-Rodriguez, Chih-Ping Chou, Jennifer B Unger, Donna Spruijt-Metz. BMI as a moderator of perceived stress and emotional eating in adolescents. 2008 Apr;9(2):238-46. doi: 10.1016/j.eatbeh.2007.09.001. Epub 2007 Sep 19.
  4. Louise H Smith, Lotte Holm. Obesity in a life-course perspective: an exploration of lay explanations of weight gain. Scand J Public Health 2011 Jun;39(4):396-402. doi: 10.1177/1403494810395819. Epub 2011 Jan 26.
  5. Handbook of Obesity Treatment. Second Edition. Edited by Thomas A. Wadden and George A. Bray
  6. Kathryn Rand, Michael Vallis, Megan Aston, Sheri Price, Helena Piccinini-Vallis, Laurene Rehman, Sara F L Kirk. "It is not the diet; it is the mental part we need help with." A multilevel analysis of psychological, emotional, and social well-being in obesity. Int J Qual Stud Health Well-being. 2017 Dec;12(1):1306421. doi: 10.1080/17482631.2017.1306421.
  7. https://www.has-sante.fr/jcms/c_964938/fr/surpoids-et-obesite-de-l-adulte-prise-en-charge-medicale-de-premier-recours - 31.01.2025
  8. Daniel D. Hutto, Ian Robertson, Michael D. Kirchhoff. A New, Better BET: Rescuing and Revising Basic Emotion Theory. Front. Psychol., 17 July 2018. Sec. Theoretical and Philosophical Psychology. Volume 9 - 2018 | https://doi.org/10.3389/fpsyg.2018.01217
  9. Isaac Meyer Marks. Fears, Phobias, and Rituals: Panic, Anxiety, and Their Disorders. Oxford University Press USA (1987)
  10. J W Varni, H T Banis. Behavior therapy techniques applied to eating, exercise, and diet modification in childhood obesity. J Dev Behav Pediatr. 1985 Dec;6(6):367-72.
  11. Jason Lillis, Kathleen E. Kendra. Acceptance and Commitment Therapy for weight control: Model, evidence, and future directions. J Contextual Behav Sci. 2014 Jan; 3(1): 1–7. doi: 10.1016/j.jcbs.2013.11.005
  12. https://global.oup.com/academic/product/effective-weight-loss-9780190232009?cc=fr&lang=en& - 31.01.2025
  13. http://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A1359952&dswid=2624 - 31.01.2025
  14. Hans-Rudolf Berthoud, Heike Münzberg, Christopher D Morrison. Blaming the Brain for Obesity: Integration of Hedonic and Homeostatic Mechanisms. Gastroenterology. 2017 May;152(7):1728-1738. doi: 10.1053/j.gastro.2016.12.050.
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