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Obésité

En affectant le placenta et le foetus, la pollution de l'air peut provoquer l'obesité

Publiée début mai dans The Lancet, une étude scientifique française révèle que les polluants peuvent altérer l’ADN placentaire et augmenter les risques de développer des maladies chroniques métaboliques, telles que l’obésité et le diabète, plus tard dans la vie.

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Woman speaking to doctor

L’exposition à la pollution de l’air altère le développement du fœtus pendant la grossesse. C’est la démonstration d’une étude publiée, début mai, dans la revue scientifique médicale The Lancet Planetary Health1.

Elle révèle qu’en modifiant l’expression des gènes, la pollution de l’air « altère le développement du foetus, en particulier aux niveaux métabolique, immunitaire et neurologique ».

A travers trois cohortes de patientes (EDEN pilotée par l’Inserm, le CHU de Poitiers et le CHU de Nancy ; PELAGIE, pilotée par l’Inserm ; et SEPAGES, pilotée par l’Inserm et le CHU Grenoble Alpes), cette enquête réalisée par une équipe de recherche de l’Inserm et de l’Université Grenoble Alpes, explique comment l’exposition prénatale à la pollution atmosphérique peut avoir des effets potentiels sur les résultats à la naissance.

En comparant les données obtenues chez 1539 femmes enceintes et en s’appuyant sur plusieurs études précédentes qui confirment que les problèmes de santé attribués à la pollution de l'air ambiant dans la petite enfance entraînent la progression de maladies graves pendant l'enfance2, les chercheurs français ont démontré qu’une exposition prolongée à des polluants aériens pendant la grossesse peut entraîner une modification de l’ADN placentaire.

Cette altération provoquerait des modifications épigénétiques3 chez l’enfant et serait susceptible d’altérer son développement.

Le poids, la taille et le périmètre crânien impactés par les polluants

Selon les auteurs de l’étude, « l’exposition à la pollution de l’air extérieur présente un risque majeur pour le bon déroulement de la grossesse ». Celle-ci serait notamment à l’origine de pathologies « cardio-métaboliques, respiratoires ou encore neuropsychologiques » chez l’enfant à naître. Au fil des pages, l’enquête scientifique démontre qu’une exposition à trois polluants aériens - le dioxyde d’azote et deux catégories de particules fines - au cours de la grossesse entraînerait une modification de l’ADN placentaire de la mère.

L’équipe de chercheurs français explique qu’un tiers des modifications entraînées par l’exposition à ces polluants serait directement associé avec des indicateurs du développement de l’enfant, comme le poids et la taille de naissance, le périmètre crânien ou encore la durée de la grossesse. D’autres modifications placentaires concerneraient les gènes « impliqués dans le développement du système nerveux, du système immunitaire et du métabolisme » incluant des gènes impliqués dans l’apparition du diabète néonatal ou de l’obésité.

Les filles plus enclines à développer l’obésité et le diabète

L’étude relève également que les altérations génétiques induites par la pollution de l’air ont des effets différents selon le sexe de l’enfant. « Deux périodes de gestation différentes, particulièrement vulnérables aux modifications épigénétiques sous l’effet des polluants » ont été constatées : le début de la grossesse (1er trimestre) chez les garçons et la fin de la grossesse (3e trimestre) chez les filles.

Chez les garçons, ces altérations de l’ADN placentaire impacteraient les gènes impliqués dans le développement « du système nerveux et de l’intellect ».

Chez les filles, les modifications des gènes impliqués dans le développement foetal et la régulation du stress oxydatif « pourraient être associées à des défauts de développement susceptibles d’augmenter le risque de développer plus tard des maladies chroniques métaboliques » comme « l’hypertension, le diabète, l’obésité », indiquent les auteurs de l’étude.

Des études qui associent pollution de l’air et atteinte du neurodéveloppement

Si les chercheurs qui reconnaissent cependant que les mécanismes des molécules en jeu « sont encore mal compris », pour Lucile Brosérus, chercheuse Inserm et première autrice de la publication, « ces observations viennent appuyer les études de plus en plus nombreuses à associer l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse et une atteinte du neurodéveloppement, et/ou une réduction des capacités cognitives, avec une plus grande vulnérabilité des enfants de sexe masculin »4. Une constatation qui tend à confirmer les résultats de l’étude menée par la chercheuse Ariane Guilbert, en octobre 2023, sur l’exposition prénatale et infantile à la pollution de l'air ambiant et à la fonction cognitive chez les enfants d'âge scolaire5.

De son côté, Johanna Lepeule, chercheuse Inserm, au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes), estime que les résultats, obtenus sur une cohorte française, « devront être vérifiés dans des populations d’autres régions géographiques et avec des profils génétiques différents ».

Philippe Saint-Clair

Références
  1. https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(24)00045-7/fulltext
  2. https://www.thelancet.com/journals/ebiom/article/PIIS2352-3964(23)00174-3/fulltext
  3. Le terme d'épigénétique désigne l'ensemble des mécanismes de régulation et de décryptage de notre patrimoine génétique. Ces mécanismes sont fortement influencés par l'environnement dans lequel les individus se développent et évoluent.
  4. https://presse.inserm.fr/vulnerabilite-du-placenta-a-la-pollution-de-lair-quels-effets-sur-le-developpement-de-lenfant-a-naitre/68392/
  5. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37423370/
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