Parce qu’il sait qu’il est très difficile de trouver son équilibre, ce sportif en situation d’obésité souhaite que la maladie dont il souffre devienne « Grande cause nationale ». L’expérience du shooting photo lui permet de partager son histoire.
Du caractère, Anthony n’en manque pas. Les questions autour de son poids, il les a toujours affrontées avec une volonté d’acier. Même s’il se bat contre sa maladie sans réel succès, ce solide gaillard de 35 ans ne dépose pas les armes. « Pour moi l’obésité n’est pas une fatalité, c’est une période de ma vie, même si c’est une longue période. Je sais que je sortirai un jour de cette obésité sévère », assure-t-il avec optimisme.
Sa forte corpulence, il sait qu’elle remonte à la pré-adolescence. « J’avais 12 ou 13 ans, pendant les grandes vacances passées chez mon père, je mangeais tout et n’importe quoi. Je faisais pourtant du sport comme mes cousins qui s’alimentaient comme moi. Eux ne prenaient pas un gramme, moi je prenais cinq kilos par an. Preuve que nous ne sommes pas tous égaux devant la nourriture et le poids… ». Preuve aussi d’une injustice génétique que seule la recherche scientifique peut permettre un jour de comprendre pour mieux réguler la prise de poids.
Le sport, Anthony ne s’en est jamais privé. Handball, volley, basket, judo, vélo, football… « Je changeais tous les ans ou tous les deux ans de discipline. J’ai même fait du water-polo, j’aime la randonnée et je continue à nager à la piscine. » Malgré cette intense activité physique, ce Lyonnais voit sa morphologie évoluer sans trop se poser de questions.
« Je souffrais d’hyperphagie boulimique (1), mais je n’ai jamais été mal à l’aise avec mon corps. Je vivais plutôt bien mon poids malgré quelques soucis de dos, de genoux et des sensations d’essoufflement… ».
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Jusqu’au jour où, à l’âge de 25 ans, sa mère l’incite à passer quelques examens médicaux. Les résultats des analyses ne sont pas très bons.
« Mauvaise glycémie, taux de triglycérides beaucoup trop élevé pouvant faire craindre des risques cardio-vasculaires… Au point que les médecins voulaient m’hospitaliser. À partir de là, j’ai découvert que j’étais en obésité morbide et j’ai bénéficié d’une première prise en charge encadrée par les professionnels de santé. »
Pour Anthony, l’éducation nutritionnelle doit démarrer dés le plus jeune âge : « Il faut parler qualité et quantité »
A l’été 2021, Anthony bénéficie de la pose d’un anneau gastrique. Et passe de 140 à 115 kg. « Cela m’aide à ne pas reprendre de poids. J’ai réussi à arrêter la cigarette et plusieurs autres addictions, mais en ce qui concerne la nourriture ce n’est jamais définitif. Il faut lutter en permanence et c’est très dur ». Voilà pourquoi il a décidé de participer à la campagne de sensibilisation contre l’obésité et ses maudits préjugés (2). « A la fois pour vivre une expérience originale car j’aime bien le concept de la photographie qui dit tout avec intelligence et pertinence, mais aussi pour partager mon histoire, pour montrer que nous ne sommes pas tous égaux par rapport au poids. Je veux démontrer qu’il est très compliqué de lutter et de trouver son équilibre ».
Hormis durant sa jeune scolarité où il a essuyé quelques moqueries liées à son poids, Anthony ne se souvient pas avoir directement vécu des moments discriminants. « Je me suis forgé une carapace qui va au-delà du blindage, plaisante-t-il. En réalité, je ne vois pas ce regard posé sur moi. Mais je sais que les personnes en obésité peuvent être stigmatisées, en souffrir, vivre dans la solitude de leur maladie. D’où mon engagement ».
Faire changer l’image du corps gros, aider à l’éducation des enfants pour qu’ils acceptent et respectent la différence, parler de l’obésité sur les murs du métro ou dans les médias « parce que cette pathologie ne doit pas rester sous cloche », mieux réglementer le secteur agroalimentaire pour éviter les dérives… Anthony fourmille d’idées pour casser les idées reçues. Son souhait : que l’obésité soit un jour décrétée grande cause nationale, comme aux Etats-Unis. Dans le sud de Lyon, on peut déjà compter un porte-étendard énergique et persévérant.
Philippe Saint-Clair
Notes
- On parle d'hyperphagie boulimique lorsque les épisodes récurrents de crises de boulimie ne sont pas associés à des comportements compensatoires (vomissements, jeûne, etc.).
- La campagne de sensibilisation Novo Nordisk « Les préjugés ne soignent pas l’obésité » sera visible du 28 février au 6 mars 2022 dans 300 emplacements du réseau des transports franciliens.