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Préjugés

L'incessant combat de Karine Roblés pour l'accessibilité et la tolérance

Patiente experte qui a opté pour la chirurgie bariatrique en 2012, Karine Roblès n’a de cesse de dénoncer les mauvaises conditions d’accueil des personnes en situation d’obésité. Au nom de la dignité humaine, elle ne mâche pas ses mots.

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Karine Roblès, c’est la porte-parole des invisibles.
Avec son franc-parler et une détermination chevillée au corps, elle plaide pour un accueil décent des personnes en situation d’obésité. Aussi bien chez le médecin traitant qu’en clinique ou en milieu hospitalier, mais aussi dans la vie de tous les jours. Son credo à elle, c’est le respect dû à tous les patients, en obésité ou pas. Question de dignité. « Etre en obésité, c’est éprouver des difficultés à se déplacer, à se mouvoir, explique Karine. Si en plus le matériel n’est pas adapté à sa morphologie, alors tout devient parcours du combattant, tout devient souffrance, et on va jusqu’à ressentir de l’humiliation. »

Insupportable pour elle. Sa croisade, c’est l’acceptation et la considération de l’autre.

Ce vécu éprouvant, Karine peut en parler. C’est son histoire, son expérience. En 2012, alors qu’elle frôle les 200 kilos, elle opte pour une opération de chirurgie bariatrique. Elle entame un parcours de soins dans un hôpital parisien qui lui permettra de perdre la moitié de son poids. Une victoire qui lui redonne goût à la vie, la réconcilie avec son corps, mais qui laisse d’autres séquelles dans sa tête.

Lit trop étroit, fauteuil trop petit, douche exigüe

De ses rendez-vous réguliers avec l’équipe pluridisciplinaire qui l’accompagne, elle se remémore les salles d’attente vieillissante et complètement inadaptées à sa corpulence. Impossible de s’asseoir, douloureux de rester debout. Blessantes aussi ces réflexions prononcées à mi-voix par des professionnels de santé qui ignorent tout de l’obésité. « Est-ce leur faute ? On leur en parle à peine deux heures en dix ans d’études… », déplore Karine Roblès.

Elle se rappelle aussi la balance inopérante qui se bloque sur 150 kilos, ce brassard du tensiomètre beaucoup trop étroit pour son bras ou l’accès complexe aux bureaux qui nécessite parfois de bouger les meubles pour rencontrer le personnel. Quand ce n’est pas l’ascenseur qui tombe en panne et qui contraint les patients en situation d’obésité à prendre le monte-charge réservé aux brancards, les obligeant ainsi à multiplier les déplacements dans les longs couloirs.

De son séjour en chambre d’hôpital, elle se souvient aussi d’un lit trop étroit et dangereux dont elle risque de tomber à chaque instant, d’un fauteuil de repos dans lequel ses hanches refusent d’entrer, d’une douche trop exigüe qui l’oblige à se déplacer au fond du couloir pour se laver, de cette blouse bleue enfilée le jour de l’intervention et qui ne couvre pas tout le corps. « On se retrouve, dans la chambre ou dans les espaces communs, les fesses à l’air, obligée de demander une seconde chemise d’examen pour être décente, vous avez honte… », raconte Karine qui rend hommage à l’implication de son chirurgien, confronté à l’indigence des moyens hospitaliers. « Pour éviter que je ne tombe du lit, il a loué un couchage spécial le temps de mon passage dans son service… », se souvient-elle.

Quatre chambres adaptées créées à l’hôpital

Touchée au corps et au coeur, Karine Roblès, une fois remise sur pied, décide d’agir. Elle veut en finir avec les humiliations. Celles qui relèvent de la grossophobie verbale bien sûr, mais aussi celles qu’on ignore et qui brutalisent les esprits. « Dans certains coins de France mal équipés pour passer des radios, il arrive qu’on envoie des patients dans des cliniques vétérinaires », avoue tristement Karine.

Face à ces situations qu’elle vit comme autant d’injustices, Karine se retrousse les manches et passe à l’action. Flanquée d’un journaliste, elle dénonce l’aberration de la situation, rencontre des responsables hospitaliers, sensibilise l’Agence régionale de santé, fait prendre conscience à toutes les parties prenantes de l’absolue nécessité d’accueillir dignement. Son énergie finit par payer.

Dans l’établissement où elle a été opérée, elle obtient la création de quatre chambres adaptées, toutes dotées de lits XXL. Elle a même été autorisée à surveiller le chantier. « La salle de bains n’était pas assez large, j’ai insisté pour obtenir l’installation d’une douche à l’italienne dans chacune des chambres. C’est une question de bienveillance et d’égard pour les personnes qui vivent avec l’obésité ».

La réalité quotidienne des transports, du parking, de l’avion…

Aujourd’hui âgée de 52 ans, Karine Roblès, s’est fait un nom dans l’accompagnement et une réputation de combattante. Patiente experte pour aider les personnes qui vivent avec une maladie chronique, mais aussi patiente ressource auprès de professionnels de santé tels que les chirurgiens bariatriques, et enfin patiente partenaire pour son action auprès des hôpitaux et des institutions, Karine Roblès agit à fond sur le terrain de l’accessibilité.

Quitte à mettre les pieds dans le plat. « Je suis reçue à l’Assemblée nationale et au Sénat pour des colloques. J’y rencontre beaucoup d’élus, mais même dans leurs murs, rien n’est fait pour les personnes en situation d’obésité. Au niveau politique et institutionnel, ça discute beaucoup, mais on constate très peu d’actions efficaces, très peu de concret », se plaint celle qui, est à la fois représentante des usagers de la santé, et membre du conseil territorial de santé des Yvelines.

Pour illustrer son combat, Karine cible du doigt sa réalité quotidienne : « Dans le métro, les bus, le RER, il n’y a aucun siège adapté. Si vous allez au cinéma, impossible de s’asseoir les sièges sont trop étroits, et si vous prenez l’avion, vous devez payer deux places… ».

Quant aux places de parking souterrain, elles ne sont pas accessibles aux personnes en situation d’obésité. Elles n’ont pas droit à la carte « H » à coller derrière le pare-brise. « Bien que l’obésité soit reconnue comme maladie depuis 1997 par l’Organisation mondiale de la santé ; en France, ce n’est toujours pas le cas. Et donc, nous n’avons pas le droit d’utiliser les places handicapées qui sont plus larges. Si on ajoute à ceci, le fait que l’obésité est mal perçue et considérée par beaucoup de gens comme un manque de volonté, alors on est à la fois montré du doigt et mis au ban de la société. »  

Un ban que Karine Roblès a décidé de transformer en scène publique. Au nom de ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas s’exprimer.

Au nom de la tolérance, et d’une certaine idée de l’humanité.

Philippe Saint-Clair

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