Génétique, chirurgie, psychologie, grossophobie, approche culturelle… cette jeune femme de la région Rhône-Alpes pose un regard franc sur sa trajectoire et son expérience de vie. Derrière son obésité, une vraie force.
Sur l’affiche, Julie fait la moue (1). Dans la vie de tous les jours, elle promène un sourire plein d’affectation et un regard sincère sur la société. « Qui a dit qu’il suffisait de faire du sport pour maigrir ? », s’interroge-t-elle avec un froncement du nez un brin dubitatif. La réponse, Julie ne la connaît que trop bien. Tant sa définition de l’obésité est synonyme de souffrance, de mal-être, mais aussi de force. Force de caractère.
En situation d’obésité depuis ses 13 ans, elle bataille en vain contre des facteurs génétiques amplifiés par une alimentation longtemps déséquilibrée. La pratique intensive du sport n’effraie pas Julie. Mais rien n’y fait. Ses kilos en trop, elle ne les perd pas. N’empêche, Julie ne baisse pas la garde.
Posément, elle analyse le contexte. Convaincue qu’il s‘agit d’une maladie due à de nombreux et complexes facteurs, cette jeune femme combat ses doutes et n’élude aucun sujet. Ni celui de la biologie ou de la chirurgie, ni celui de ses dérives ou de ses réussites, ni celui de la psychologie, encore moins celui de la grossophobie.
Côté famille, les faits sont là. Des grands-parents à la corpulence solide, un papa qui a une tendance au surpoids, une maman qui s’est fait poser un anneau gastrique, une sœur qui affronte un poids excessif en lien avec des soucis de santé, une tante en situation d’obésité pour des raisons semblables… à l’évidence, la génétique ne joue pas en faveur de la famille de Julie.
Aussi a-t-elle rapidement réagi lorsqu’à l’âge de 7 ans sa fille affiche un très léger surpoids. « On a vu un médecin spécialisé pour lui réapprendre à manger. Ils ont discuté ensemble, cela s’est révélé positif. Depuis, elle a grandi, elle est en bonne santé physique et morale. Aujourd’hui, elle est dans les normes d’une adolescente de 13 ans », souligne une Julie rassurée, mais vigilante.
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Car 13 ans, c’est justement la période où Julie a pris du poids. Beaucoup de poids. « Petite, j’étais bien portante », raconte-t-elle, mais un événement va accélérer la métamorphose de son corps. « Ma mère a repris une affaire pour laquelle elle s’est beaucoup investie. Avec ma sœur, nous avons été livrées à nous-mêmes. A cause de cette absence, je me suis tournée vers la nourriture. Je mangeais trop et mal. Jusqu’à l’âge adulte, mon poids est allé crescendo, et puis j’ai dit stop, ça suffit ».
A 34 ans et 126,7 kilos, Julie passe à l’action. Ce sera l’anneau gastrique. « J’ai été très bien entourée, très bien guidée. Depuis dix-huit mois, je suis en relation avec un nutritionniste qui m’explique comment manger lentement, comment bien mâcher, et avec une diététicienne qui me conseille sur la façon d’accommoder les divers aliments ».
Julie le précise : il ne s’agit pas de régime mais plutôt d’une
organisation alimentaire adaptée avec un petit-déjeuner moins sucré,
mais à base de céréales complètes ; un repas de midi plutôt à base de
féculents et protéines ; le soir, le plat sera un peu plus léger. «
C’est d’autant plus efficace que cette professionnelle de santé
m’incite à me faire plaisir en mangeant et en évitant la frustration
qui a de très mauvaises conséquences ».
Tant il est vrai que la privation conduit la mémoire du corps à stocker les matières grasses en vue de la prochaine abstinence. « Le corps enregistre tous nos comportements et cela peut se retourner contre nous », n’ignore pas Julie, heureuse d’avoir perdu 20 kilos.
A bientôt 36 ans, Julie n’envisage pas d’autres interventions. « Les techniques chirurgicales me paraissent agressives et cela entraîne des soins et des risques que je ne souhaite pas prendre ». L’anneau gastrique a permis à Julie de prendre de bonnes habitudes alimentaires et de bons réflexes en terme d’hygiène de vie. Elle s’est donné pour objectif de perdre une vingtaine de kilos supplémentaires.
Active et déterminée, elle se rend régulièrement dans une salle de sport. Les regards n’y sont pas accusateurs, au contraire. Mais la discrimination se cache parfois au coin de la rue. « La grossophobie, c’est la phobie des gros. Une phobie c’est la peur de ce que l’on ne connaît pas, de ce que l’on ne comprend pas, martèle Julie. Les gens critiquent les personnes grosses parce qu’ils ne savent pas qui elles sont et ne comprennent pas pourquoi elles sont comme ça. Si le grand public était mieux informé sur l’obésité, je suis sûre que la stigmatisation reculerait et on vivrait dans un monde avec moins de préjugés blessants ».
Cette philosophie, Julie a choisi de la mettre en application en servant de modèle pour la campagne de sensibilisation lancée par Novo Nordisk dans le cadre de la Journée mondiale de l’obésité. « J’ai envie de véhiculer le message que l’obésité est une maladie. On doit dire et redire que les personnes en situation d’obésité ne le sont pas par plaisir. En regardant les affiches, les gens doivent se questionner, leurs mentalités doivent évoluer. A ce titre, le projet du photographe Bertrand Perret montre justement des corps gros, aux morphologies différentes. Je pense qu’en s’exprimant avec justesse et humanité, l’art constitue un premier pas vers ce changement d’approche ».
Cette accompagnatrice d’enfants en situation de handicap sait de quoi elle parle. La culture constitue bien souvent la meilleure passerelle pour accepter la différence.
Philippe Saint-Clair
Notes
- La campagne de sensibilisation Novo Nordisk « Les préjugés ne soignent pas l’obésité » a eu lieu du 28 février au 6 mars 2022 dans 300 emplacements du réseau des transports franciliens et sur les réseaux sociaux.